Cette phrase a nourri une de nos prières communes cette semaine. Une légende l’attribue à saint Ignace au moment où il envoie François-Xavier en Orient.
Qu’a voulu dire Ignace ? François et Ignace sont des amis dans le Seigneur. Ils ont fait cette expérience commune des Exercices spirituels qui les a enflammés par un amour fou pour le Christ. L’amour a allumé en eux un nouveau dynamisme, une énergie spirituelle, un feu contagieux, dangereusement puissant, capable d’enflammer le monde.
Je crois que ce feu qui fut alors allumé continue à brûler dans mon cœur et dans la vie des jésuites. Ce feu est à l’origine de notre mission comme jésuite. Mais alors, comment ce feu est-il allumé ?
Aujourd’hui, la découverte de deux œuvres d’art vient répondre à cette question. La première est une fresque de Michel Ange sur la conversion de saint Paul que j’ai découverte lors de ma visite au musée du Vatican. En présentant cette œuvre, la guide disait comment Michel Ange, avancé en âge, était entré dans une profondeur spirituelle : il semble peu préoccupé par les proportions, mais plutôt par le mystère, les personnages, leur regard, leur posture et les relations entre eux. En entrant dans la chapelle, les personnages principaux, Dieu, en haut de la scène, et Paul, par terre, tombé de son cheval, ont le regard tourné vers la porte de la chapelle où je suis entré. En contemplant la scène de près, je perçois de dos un personnage qui semble enjamber le cadre pour y entrer. Je me sens concerné : Paul a la tête tournée en ma direction, Dieu me regarde, et j’entre dans la scène en m’identifiant à cet inconnu. Puisque je suis là, je commence à m’interroger : « Comment Dieu intervient-il dans mon histoire ? Suis-je prêt à me laisser saisir par un Dieu qui changera complètement la direction de ma vie ? »
La deuxième œuvre est l’image d’un enfant photographié dans un contexte de guerre et qui, de ses grands yeux noirs, regarde celui qui le regarde. Ses yeux parlent : “Et toi, que peux-tu faire pour moi ?” Je ne peux pas ne pas me sentir concerné.
Ces deux courts moments passés devant ces œuvres me ramènent à l’expérience de la prière par l’imagination que propose Ignace dans ses Exercices spirituels. Il nous invite à nous placer dans la scène, à ne pas rester à l’extérieur comme un spectateur, mais à y entrer comme un participant qui vit l’événement. Cette façon de prier ouvre la possibilité de me laisser toucher dans mon affectivité par un événement biblique; la Parole devient vivante et actuelle pour moi aujourd’hui. Elle allume un feu en moi puisqu’elle provoque une rencontre avec l’autre. Elle allume un feu que je ne peux contenir, qui me pousse au dehors, à sortir de moi-même, et de devenir “un feu qui allume d’autres feux”, comme on le disait de saint Alberto Hurtado.
En réfléchissant sur notre mission dans les prochains jours, nous sommes ramenés à l’essentiel : avec ce feu allumé en nous, comment sommes appelés à enflammer toutes choses avec l’amour de Dieu ?