Avant le début de la Congrégation, nous avions publié un article sur la manière dont saint Ignace lui-même voyait ses successeurs. Au cœur des journées de la murmuratio, il est utile de revenir à cette manière fondamentale d’envisager le leadership dans la Compagnie de Jésus. Le jésuite britannique Nicholas Austin avait écrit un article sur la pertinence actuelle de la manière dont saint Ignace décrit les qualités d’un supérieur général. L’article est paru en espagnol dans la revue Manresa. Nous en présentons à nouveau un résumé.
Il est indéniable que le portrait tracé par Ignace représente un défi. En effet, le Père Général « doit être au nombre de ceux qui sont les plus éminents dans toutes les vertus, et des plus méritants de la Compagnie et connus comme tels dans celles-ci depuis longtemps » [CNC 735]. Plus que les excellentes aptitudes techniques d’une personne, ce sont les qualités plus profondes de son cœur et de son âme qui sont visées, c’est ce que saint Ignace appelle « vertus ». Ce qu’il désire pour le gouvernement de la Compagnie de Jésus, ce n’est pas un simple expert, mais un type déterminé de personne, quelqu’un qui puisse nous diriger surtout par son exemple, qu’il soit « un miroir et un modèle » pour nous tous. Ce qu’Ignace veut surtout, c’est qu’il soit un bon jésuite.
Dans un langage contemporain, on pourrait l’exprimer ainsi : le Père Général doit être, surtout, une personne de profondeur spirituelle, d’amitié avec Dieu dans la prière, dans l’action et dans ses relations humaines. Quelqu’un ayant la liberté du cœur afin qu’il puisse gouverner avec un amour humble, juste et courageux. Qu’il soit une personne qui a de l’initiative et de la persévérance dans le bien, montrant toujours la magnanimité face à la réussite ou à l’échec. Quelqu’un qui prend soin de sa santé et de son apparence. Qu’il vive le magis dans l’esprit, l’âme et le corps, avec un grand cœur, ouvert à Dieu et aux autres.
Un tel portrait peut paraître si exigeant qu’on ne puisse trouver personne qui lui ressemble même de loin. Il semble qu’Ignace avait lui-même été conscient de ce problème. Pour cela, il a ajouté un dernier critère qui reprend trois qualités spécifiques indispensables dans le même paragraphe: « Et si quelques-unes des qualités énumérées plus haut venaient à manquer, que du moins ne manquent une grande probité et un grand amour pour la Compagnie, ainsi qu’un bon jugement joint à une bonne science ». En d’autres termes, l’essentiel c’est le triptyque d’un caractère sain, un profond amour de la Compagnie, un jugement sûr et bien formé.
L’article original est de Nicolas Austin et a été publié en anglais.