Le ˝slogan˝ de la Congrégation Provinciale : « En ramant vers le large », m’avait d’emblée paru inspirant, tout en me donnant aussi l’impression de manquer d’originalité, du genre « thème bateau ».
Pourtant, chaque jour qui passait, me renvoyait à moi-même, à mes aspirations profondes, aux défis à affronter, à croire à l’audace de l’improbable, selon ce qui nous avait été proposé d’entrée de jeu dans l’homélie du début de la Congrégation. Je me sentais comme porté à renouveler mes promesses, mes vœux religieux, ma consécration. Je me voyais placé devant le Christ en croix souffrant aujourd’hui dans notre monde, avec les déshérités de la terre, les réfugiés et les personnes meurtries.
J’ai ensuite réalisé que je cheminais avec – et grâce à – d’autres compagnons qui m’enrichissaient par leurs attitudes, réflexions et propositions. Leur discernement m’éclairait et m’aidait à avancer plus en avant, plus profondément. C’était grâce au Corps que nous constituions que j’entrais davantage en moi-même.
Bien sûr, cette traversée ne se faisait pas sans impasses, sans reculs, sans tensions, sans découragements et désolations… Il y avait aussi les tentations qui provenaient de « l’Ange de lumière » (le mal camouflé sous les apparences du bien) qu’il convenait de débusquer et de démasquer. Mais cette traversée pouvait se poursuivre parce qu’elle se faisait en équipe et en Corps.
Et puis, hier, on nous a proposé de pratiquer la méthode de la conversation spirituelle, qui est une sorte de discernement communautaire priant. En partageant par la suite entre nous sur cet exercice, nous avons découvert combien cela nous avait disposés encore plus profondément à l’écoute les uns des autres, à dépasser nos jugements et à l’accueil de nos différences. L’Eucharistie de la Toussaint, qui venait clôturer la journée, ressemblait à une invitation à vivre notre vocation à devenir tous saints, selon l’appel de notre baptême.
J’ai réalisé que cette image: « En ramant vers le large », tout en m’invitant à entrer en eau profonde, m’appelait aussi à m’ouvrir de nouveaux horizons, à découvrir qu’il y avait d’autres chemins à parcourir et à entreprendre, non seulement avec mes compagnons jésuites, mais aussi avec tant de frères et sœurs en humanité avec lesquels je suis appelé à partager la mission, à m’engager et à collaborer.
Aujourd’hui je me sens à nouveau envoyé, poussé à rendre témoignage de l’espérance qui est en moi, à croire que les chemins de Dieu et des hommes s’entrecroisent et se rencontrent et que je peux même miser sur l’audace de l’impossible, comme nous y a invités notre nouveau Père Général lors de sa première homélie à l’issue de son élection.