Pour certains d’entre nous qui venons des pays en guerre ou qui trainons une mémoire alourdie des souvenirs d’atrocités, la vue des personnes en treillis donne des frissons. Dans certaines parties d’Afrique par exemple, les groupes armés pullulent. Ils se livrent à des pillages, organisent des tueries aveugles et violent les femmes. La vue d’homme en arme suscite donc la panique. Lorsqu’on en voit, le choix est entre courir ou se cacher.
A mon arrivée à Rome pour la 36e Congrégation générale, j’ai été surpris de trouver des hommes en armes postés devant l’entrée principale de la Curie générale. Leur véhicule aux couleurs de camouflage est aussi impressionnant que ceux qu’il transporte. A l’heure de la terreur islamiste, ces hommes sécurisent les hommes et les biens. Nous leur devons la sécurité qui a rendu cette rencontre possible. Ils n’inspirent pas la peur. Et je me dis qu’il existe de bons soldats.
Ces hommes en armes sont tous jeunes. Certaines équipes comprennent des femmes. Ils nous voient sortir et entrer chez nous. Ils acceptent les salutations en Italien. Certains exhibent un sourire lorsqu’ils sont salués dans une langue autre que la leur. Il est difficile de trouver la beauté d’une arme faite pour tuer mais je trouve leurs fusils aussi élégants que ceux qui les portent. Ils causent entre eux. Ils voient des hommes et des femmes passer à longueur des journées. Ils n’intimident personne. Point de pillage, de tueries, ni de viol. Les flots de touristes vers et de la place Saint Pierre se déversent dans la quiétude simplement parce qu’ils voient de bons soldats.
Des groupes de militaires sont postés à tous les points sensibles de Rome. Ils portent les mêmes uniformes que ceux de chez nous. Leurs fusils et leurs véhicules se ressemblent. Mais ceux placés devant la Curie générale ont quelque chose de particulier. Le matin, ils assistent à l’arrivée des délégués logés au Bellarmino, à la Grégorienne, au Biblicum et à l’Orientale. Ils les voient repartir le soirs après les travaux de la congrégation. Ils font partie de l’histoire de la Compagnie de Jésus sans le savoir et sans le demander. A des occasions spéciales, ils nous ont vus en tenue cléricale. A la messe d’ouverture de la Congrégation générale, ils nous ont vus partir et revenir. Lors de la messe du Saint Esprit avant l’élection du nouveau Supérieur Général, ils étaient devant la porte de Curie Générale et de l’église. Ils doivent avoir admiré la blancheur de nos aubes uniformes. De retour dans l’aula, nous avons voté. Un nouveau Supérieur nous a été donné par le Seigneur. Peut-être ont-ils entendu des acclamations. En cet instant-là, j’ai pensé à ces jeunes militaires. Un sentiment de gratitude envers eux m’a envahi. J’ai alors fait une petite prière pour eux. Je les appelle les bons soldats devant notre porte. Ils resteront toujours dans la mémoire de la 36e Congrégation générale.
Jean-Baptiste Ganza, SJ (RWB)